Surprenants affûts

Système D

 

 

L’imagination des hommes a fait naître des dizaines d’architectures

différentes en matière d’affûts à sauvagine.

 

 

Depuis la nuit des temps, les sauvaginiers s'évertuent à se fondre dans le décor afin de déjouer la méfiance du gibier d'eau. Chaque région possède son modèle de cache, adapté aux particularités des multiples biotopes qui composent les zones humides. Parfois de conception étonnante, édifiées en des lieux insoupçonnés, l'ensemble de ces installations répond avant tout aux attentes spécifiques des utilisateurs. Ainsi, les sauvaginiers nocturnes du Nord de la France ont, à l'évidence, besoin d'un plus grand confort que leurs homologues angevins, aux activités diurnes et crépusculaires. De même, les huttiers des bords de Loire doivent disposer de hutteaux flottants ou escamotables afin de pallier les caprices du grand fleuve. Loin de prétendre dresser un inventaire exhaustif de tous les modèles d'affûts existants, j'ai souhaité vous montrer quelques infrastructures surprenantes.

 

 

Particularismes

 

Maintes fois évoquées, les huttes de Picardie rivalisent d'originalité. Comment ne pas citer, dans la vallée de la Somme, les installations des hortillonnages d'Amiens où leurs propriétaires ont l'opportunité de se rendre jusqu'au seuil de leur atypique marais en autobus. Répondant à une législation particulière, ces sauvagimers quasi urbains ne buttent que de nuit et uniquement depuis leurs affûts. Dans le Nord cette fois, du côté de Condésur-Escaut ou de Chabaud-Latour, les effondrements miniers et leurs célèbres caissons d'acier (et pourtant flottants) ont déjà fait couler beaucoup d'encre. La profondeur de ces plans d'eau oblige les huttiers à faire coulisser leurs caches sur des tubes métalliques, plantés dans le sol à parfois plus de sept mètres sous le niveau des eaux. Que penser alors des dernières huttes submersibles des baies du Mont-Saint-Michel, de Somme et de Seine? Que leurs occupants doivent être animés d'une sacrée passion pour se laisser, le temps de la pleine mer, recouvrir par les flots. Dans ces conditions, la moindre erreur de manoeuvre se paye comptant. Ainsi ce stratagème n'a d'autre but que de profiter, aux premières minutes de la marée descendante, du retour des canards et limicoles sur les vasières. Sur le célèbre Platier d'Oye, dans le département du Pas-de-Calais, c'est un vaste Ingéniosité ligérienne blockhaus, triste vestige de la dernière guerre, qu'ont réhabilité les sauvaginiers à des fins purement cynégétiques. Pas moins de dix chasseurs peuvent y pratiquer de front le long des impressionnantes guignettes. Ne croyez pas pour autant qu'ils réalisent des massacres. Loin s'en faut.

 

 

                  

                                                                        Un hutteau flottant à Mazerolles (44)                                         Un hutteau flottant typique de la région angevine

 

 

Plus rarement mise en avant les installations diurnes des départements des Pays de la Loire font pourtant, elles aussi, preuve d'une grande ingéniosité. Ainsi, lors des périodes de crue dans les tourbières de Mazerolles, en LoireAtlantique, on chasse depuis des hutteaux flottants habillés de roseaux et montés sur des flotteurs de catamarans. D'un très faible tirant d'eau, ces astucieux systèmes sont opérationnels aussi bien sur des étangs permanents que sur des prairies tout juste blanchies par les pluies automnales. Ce type de structure offre le gros avantage d'être facilement déplaçable en fonction des passages ou du temps. L'attelage tendu sur des cordées disposées en étoiles autour de la hutte permet, de surcroît, de chasser sur 360'. Dans les basses vallées angevines, à la croisée des rivières Sarthe, Loir et Mayenne, les amateurs de gibier d'eau connaissent et exploitent depuis longtemps la hutte flottante. Tous les matériaux susceptibles de maintenir sur les flots leurs rudimentaires affûts sont mis à contribution. Fûts ou bidons vides, tubes de PVC remplis de mousse ou caissons métalliques supportent un plancher surélevé... Sur ces radeaux de fortune, des panneaux de brande et des branchages arrachés à la végétation environnante camouflent les chasseurs. À ce patrimoine cynégétique angevin, soin me toute hétéroclite, il convient d'ajouter les déconcertants "nids de pies". Imaginez un plateau, d'une circonférence à peine plus importante qu'un couvercle de poubelle percé de quelques trous pour permettre l'évacuation de l'eau de pluie, sur lequel est soudée une rambarde jusque-là, rien d'exceptionnel, allez vous penser Pour tant, si je vous affirme que ces postes ne flottent pas mais sont suspendus, mes propos revêtent un tout autre intérêt. En effet, ces affûts sont maintenus hors d'eau grâce à une potence et à un système de crémaillère. Leurs propriétaires peuvent ainsi, au gré des crues et décrues, régler en quelques coups de manivelle la hauteur de leurs nacelles. Afin d'accentuer leur mimétisme, ces installations sont le plus souvent implantées au milieu de quelques arbres isolés dans l'irnmensité des eaux tourmentées. Les "nids de pies" supportent un maximum de deux chasseurs-Appelants et formes sont généralement piqués sur des poids individuels autour de la cache. Contrairement aux huttiers nordistes, ceux des basses vallées angevines ont tout intérêt à disposer d'un attelage très étoffé. Il n'est d'ailleurs pas rare de chasser ici avec une vingtaine de canards vivants et le double de forme. Lors des débordements hivernaux, les milliers d'hectares en eau imposent cette stratégie.

 

 

 

 

Le fameux nid de pie, à sec et en période de crue. Le système est unique.

 

Texte et photos : Richard Hexam

 

 

 

La chasse au HUTTEAU

en baie de Somme

 

Source Connaissance de la chasse

Franck Lain

 

 

 

 

Héritage ancestral, la chasse au hutteau couché est une tradition

Nécessitant une technique et des gestes précis

 

 

Deux heures après les mortes eaux de la pleine mer, les blasiers reprennent vie.

Le ballet des limicoles reprend, immuable depuis des milliers d’année.

Les hutteux arrivent, pliant sous le poids de leur fardeau pour

perpétuer cette tradition vieille comme cette baie de Somme.

 

En 12 images, initiez-vous au hutteau.

 

Tracer le forme du hutteau du tranchant de la bêche en le positionnant avec un vent de ¾ arrière

qui appuiera la sauvagine sur la platière.

 

 

 

Deux tranchées délimitent la longueur et la largeur du futur hutteau.

Elles seront proportionnelles au nombre de hutteux.

 

 

Le cercueil est creusé. Le sable est déposé en pente douce, évitant ainsi un angle brutal qui alarmerait

certains gibiers méfiants (courlis, pilets).

 

 

Ecraser et lier les mottes de sable. Asperger d’eau et lisser le tout pour parfaire le camouflage.

 

 

Il faut éviter que la paille vole au vent.

 

 

La paille est répartie uniformément dans le cercueil. Il est bon de placer également dans le fond une bâche isolante qui évitera une remontée d’eau par capillarité.

 

 

L’avant de la guignette (guigner = regarder) est soutenu par deux piquets fixés dans la latte de bois accrochée

à l’avant de la toile.

 

 

Les piquets, attachés par des cordeaux de 20 à 30 cm, sont enfoncés en biais dans le sable. Il faut que la bâche soit tendue. Deux arceaux peuvent compléter ce système pour éviter l’effet de poches, désagréable par temps de pluie.

 

 

Les bords de la toile sont ensuite recouverts de sable qui devra être lissé.

 

 

Les empaillés, blettes et autres formes varient selon l’espèce que l’on recherche. Le plastique et le polyuréthane pour les pies de mer (huîtriers-pies) suffisent.

 

 

pour les empaillés deux bâtons imitant les pattes suffisent. Dans le cas des pies, une seule tige convient.

 

        

Les courlis très méfiants, ne s’y laisseront pas prendre. Il vaut mieux utiliser dès lors des empaillés.

Quant aux pilets venus pâturer sur les blasiers, il convient de décerner aux chasseurs qui les affûtent,

une motion spéciale car c’est du grand art.

 

 

Seuls dépassent les guignettes et le canon du fusil. Les premiers « trilles » des huitriers pies se font entendre.

Ne faisant plus qu’un avec sa gangue de sable, le hutteux n’a plus qu’à siffler …

 

 

Une chasse d’expert

 

Ce que vous voyez en images, il faudra souvent le réaliser la nuit pour être prêt à la passée du matin. Trouver votre blasier sur des centaines d'hectares ou chaque veine (courant d'eau) se ressemble, traverser le chenal de l'eau jusqu'au ventre pour enfin, après une bredouille qui, bien entendu, est la faute à pas de chance, se retrouver sur un blasier sec comme peau de chagrin.

Alors, un henonier (ramasseur de coques) ou un autre hutteux, la face burinée et hilare, vous lancera : « Ch’tio, j’t'avé point vu ! J'croyo qu t'étai church’veine o écailles. Eloué chen met à douet. Y na un mont d’pies den ! » (Petit, je ne t'avais pas vu. Je croyais que tu étais sur le courant des coquillages. Il est 100 m à droite. Il y a une montagne de pies dedans).

Vous sortirez alors radieux de votre « saumure » en vous disant: « 100 m, c'est super, je n'ai jamais été aussi près! »