Chipeau

 

D’avantage de migrateurs moins de reproducteurs

 

Le chipeau connaît une situation paradoxale, ses effectifs hivernants se portent bien alors que son statut de reproducteur paie un lourd tribut à l’agriculture moderne. La solution, une réelle prise en compte du rôle joué par les prairies humides.

 

Ce magnifique canard fait rêver le sauvaginier passionné au même titre que le canard pilet. Sa relative rareté en fait un gibier très convoité. Quel bonheur de ramener d'une passée ou d'une nuit de hutte ce canard pas toujours facile à identifier pour les non initiés, lorsqu'il est mélangé à d'autres espèces d'anatidés.

 

Sa distribution est plus méditerranéenne que la majorité des autres canards de surface au sein du Paléarctique occidental. En Europe, sa présence est aléatoire. Depuis 20 ans, son aire de répartition et ses effectifs sont en augmentation. Le réchauffement climatique et l'accroissement du nombre de marais d'eau douce aménagés, zones particulièrement favorables à cette espèce en période de reproduction, sont à l'origine de l'extension de son aire et de l'augmentation des effectifs hivernants.

 

Le retour des prairies

On retrouve bien en France, cette tendance à l'augmentation des effectifs hivernants, mais son statut de reproducteur est en déclin. Les grandes zones d'étangs (Lorraine, Dombes, Forez, Camargue, Sologne et Brenne) constituent ses habitats préférés de reproduction. Ailleurs, la reproduction est problématique, 95 % des couples nicheurs (1500 couples) sont localisés en Dombes, Forez et Lorraine. Malgré la colonisation récente de nombreux sites, le déclin des effectifs Dombiste entraîne une diminution de la population nationale des chipeaux (2 Bernard).

Son statut de reproducteur en France est victime de la mise en cultures de prairies humides autour des étangs Dombistes comme l'a très bien démontré Broyer. Le canard chipeau qui produisait plus de mille nichées par an dans les années 1970 n'en produit plus que 200. L'arrêt de ce déclin passe par le maintien d'une prairie herbacée dense, et fauchée tardivement, sur 200 ni autour des étangs. La baisse des primes au maïs (2500 F/ha) contre 850 F/ha pour la prime agro-environnementale est aussi un moyen de décourager le retournement des prairies au profit du maïs.

 

Le maintien des étangs

Dans d'autres zones traditionnelles de reproduction du chipeau, l'atterrissement naturel des étangs qui se traduit par le boisement réduit les potentialités de reproduction. L'abandon de la pratique de l'élevage extensif qui consiste à pâturer les prairies humides situées en bordures des étangs, à accélérer ce processus de colonisation par la végétation arbustive. En fait, le gestionnaire d'un étang doit sans cesse veiller à l'ouverture de son étang. Cela se traduit par des coupes d'arbres et d'arbustes en queue d'étangs. La forêt ne doit pas arriver directement dans l'étang. Le maintien d'un pâturage extensif par des animaux et la fauche automnale par endroits favorisent la création de lisières et retarde la colonisation arbustive.

Des aides existent (jachère, environnement et faune sauvage, retrait des terres arables, contrats territoriaux d'exploitation) pour convertir les terres arabes en prairies. La restauration des prairies en zones humides est encouragée par les agences de l'eau. Son objectif est de filtrer une eau contaminée par la terre qui quitte les sols labourés sous l'effet des fortes de pluies.

 

Tous les canards en profitent

Le bon positionnement de jachères sous forme de bandes enherbées le long des cours d'eau et des étangs est une bonne utilisation cynégétique de la politique du gel des terres.

L'élevage extensif est officiellement encouragé par le ministère de l'agriculture, avec des primes par tête de bétail plus élevées lorsque l'éleveur accepte de diminuer le nombre de vaches à l'hectare sur son exploitation. Chaque département a mentionné les conditions d'aide pour toucher ses primes.

Voici des mesures qui permettent d'agir concrètement sur le terrain pour recréer des sites de nidification de ce canard dans ses aires traditionnelles de reproduction. Déjà des agriculteurs intéressés par la faune sauvage mettent en place de telles mesures au bénéfice de tous.

Le retour du chipeau nicheur sur sa zone humide traduit la réussite d'une bonne gestion de ce territoire. D'autres espèces de canards et de limicoles profitent du retour du chipeau.  En fait, cette espèce est un bon baromètre à long terme de la gestion délicate des étangs. Plus de chipeaux hivernants en France, plus de chipeaux au tableau de chasse. Pourquoi ne pas obtenir le même résultat avec les chipeaux nicheurs! Le chasseur en protégeant les sites de nidifications de ce canard se rend plus autonome vis-à-vis de la manne des migrateurs. Il a de plus, le plaisir de l'observer tout au long de l'année. Il rentre dans la dynamique positive du succès tout en réduisant la pollution des eaux. L’augmentation des effectifs d'une espèce est une excellente nouvelle car elle traduit pour le sauvaginier l'espérance de le rencontrer plus souvent. Le tableau de chasse est multiplié par quatre sur un territoire (voir tableau). Ce résultat est excellent pour se motiver à favoriser sa présence pendant l'hiver et au moment de sa reproduction. C'est aussi de la pérennité de l'exercice de la chasse qui est en jeu.

La crise que traverse l'agriculture industrielle et intensive ouvre des opportunités d'action jusqu'à maintenant inespérée par le plus audacieux des chasseurs-aménageurs. Alors plutôt que de se plaindre, la voie est maintenant ouverte à l'action!

 

Julie Kruijne

 

Sources :

1-       V. Schrick,  J. N. Blet, et J. J Brochier 1992 - Les canards. Hatier Faune Sauvage.

2-       Bernard, 1995 - Le canard chipeau. Atlas des oiseaux nicheurs de France. 1985 – 1989.

3-       D. Yeatman, Berthelot et Jany, J Broyer, 2000 - La Dombes: espace d'équilibre ou simple substrat pour la culture céréalière? Courrier de l'environnement de INRA

 

 

Hivernage : des effectifs en hausse en France et en Europe du nord-ouest

 

 

France

Europe du nord-ouest

mer Noire / Méditerranée

 

Effectifs

En 1998

Tendance

(87 / 96)

Effectifs

Tendance

(87 / 96)

Effectifs

Tendance

Canard

chipeau

18133

16031

Augmentation

30000

75000

-300000

stable

Le chipeau hiverne de plus en plus fréquemment en France. Au niveau local, cela se traduit par une augmentation des prélèvements sur un site où ils sont connus précisément