L’éterlou est en alerte. Mais c’est un curieux.
L’attitude reste juvénile même si les cornes atteignent
presque le sommet des oreilles.
L'éterlou ce
jeune conquérant !
JEUNE CHAMOIS DANS SA DEUXIÈME ANNÉE,
venant de quitter sa mère, cherche territoire accueillant.
Telle pourrait être l'annonce passée chaque année vers les mois
d'avril et de mai par une multitude d'éterles et d'éterlous.
Jusqu'à
son deuxième printemps, la jeune femelle, l'éterle, compose, avec la chèvre et
le chevreau, la cellule matriarcale de base. Au moment des naissances, les
chèvres vont inciter les éterlous à quitter le trio de base. Ceux-ci ont
cependant bien du mal à se séparer de leur mère. Dans certains cas, elle
n'hésitera pas à les repousser à coups de cornes. Dès que le cabri est né, le
chevreau d'un an entre dans sa deuxième année et devient le nouvel éterlou. Les
anciens éterlous, quant à eux, sont parvenus à leur troisième année. Ces
animaux vivent en général en périphérie des groupes pendant encore quelques
mois. Puis, ils vont tenter de conquérir de nouveaux territoires, afin, à leurs
tours, de créer de nouvelles cellules familiales. L’éterlou tient donc un rôle
très important dans l'expansion géographique de l'espèce.
Comment
reconnaître l’éterlou sur le terrain ? Il est couramment indiqué dans
certains ouvrages traitant de la faune alpine que les cornes de l'éterlou
atteignent en général la moitié de la hauteur des oreilles. Et que, de toutes
les façons, lesdites cornes, en forme de crochet, restent au dessous de la pointe
des oreilles. Ces affirmations se vérifient. L’expérience montre que, selon le
biotope, l’éterlou peut avoir des cornes qui atteignent la hauteur des
oreilles, voire les dépassent.
Au stade de l'éterlou, l'augmentation de la hauteur des cornes est la plus importante. Par conséquent le trophée prend le maximum de son amplitude pendant la deuxième année. La pousse peut aller de 8 à 12 centimètres.
Cet
état de fait a eu une incidence directe sur la détermination des bracelets
utilisés pour les classes d'âge de première et deuxième année. En règle
générale, le bracelet marqué IS1 (isard classe 1) s'applique au chevreau. Le
dispositif de marquage IS2, quant à lui, est destiné à l'éterlou. Cette
dernière classification a entraîné quelques problèmes de mise en oeuvre. En
effet, un chasseur, porteur d'un bracelet adulte, peut éventuellement être
verbalisé pour avoir tiré un chamois ayant donc des cornes au-dessus des
oreilles, alors qu'à l'examen des anneaux des cornes et de la dentition, cet
animal s'avère être un éterlou. Afin d'éviter ce genre de situation, les
arrêtés préfectoraux spécifient de plus en plus l'utilisation de bracelets ISJ
(isard classe jeune) à apposer sur des animaux dont la hauteur des cornes est
inférieure ou égale à celle des oreilles. La notion d'âge disparaît donc et
permet, malgré tout, de retrouver plus de 90 % de cabris et d'éterlous dans
cette classe.
Morphologiquement, suivant les biotopes et la situation de la population, phase d'accroissement ou de stagnation, le poids des éterlous peut varier de façon très importante. On peut ainsi avoir des animaux de quinze à plus de vingt kilos vidés. L’observation de ce bio-indicateur est donc de toute première importance. La corpulence de l'éterlou demeure une suite logique de celle du chevreau. Un cabri malingre ne donnera qu'un éterlou chétif. Les commissions de contrôle des sociétés de chasse doivent par conséquent prendre en compte cet élément déterminant du tableau de chasse. Elément-clé de. gestion d'une population, le poids des éterlous nécessite d'être corrélé avec d'autres indices tels les comptages ou la mesure du succès de la reproduction. Lorsque l'on se rapproche de la capacité d'accueil biologique du territoire, le poids des éterlous baisse tout d'abord de façon très sensible puis, par la suite, de manière plus prononcée. Il faut surveiller ce paramètre en permanence car la période de reproduction du chamois s'étale jusqu'au-delà de quinze ans. Conquérant futur de nouveaux espaces, indicateur important de l'état des populations, l'éterlou ne doit pas être sacrifié sur l'hôtel des prélèvements au sein de la classe jeune. Si l'attribution de bracelets ISJ présente l'avantage d'éviter des procès-verbaux, les détenteurs de droit de chasse doivent prendre garde à certaines dérives. En effet, si pour le même bracelet, le chasseur a le choix entre le chevreau et l'éterlou, il préfère - taille de l'animal oblige - le tir de l'éterlou. On peut argumenter du fait que les cabris non tirés produiront plus d'éterlous ! Mathématiquement oui, mais la nature, au travers de la rigueur éventuelle de l'hiver, nous montre que la mortalité saisonnière dans cette classe d'âge peut atteindre voire dépasser 50 %. Dans ce cas, la chasse prélève, hélas le peu de jeunes animaux forts qui ont passé leur premier hiver.
Afin
d'éviter ce genre d'écueil, il ne faut pas aller, pour un plan de chasse donné,
au-delà de 30 % de prélèvement d'éterlous et d'éterles Le côté aléatoire du tir
dan cette classe d'âge tend à équilibrer la proportion de mâles et de femelles.
L'imposition de ce quota de 30 % présente un autre intérêt, cette fois purement
cynégétique. En effet l'éterlou est un animal quelque peu benêt. Ce grand
curieux qui n'a pas encore connu la dureté de son environnement social, se
plait à observer l'humain qui s'approche de lui. Le tir ne s'en trouve donc pas
revêtu d'une sportivité extraordinaire. Au niveau de l'observation sur le
terrain, le gestionnaire peut, à l'occasion de l'observation estivale des
chevrées afin de déterminer le ratio chevreau/chèvre, quantifier les groupes
d'éterlous satellites. Ceci permet d'avoir une bonne idée de la proportion
d'animaux de deuxième année au sein de la pyramide des âges globale de la
population.
Par
ailleurs, la prise en compte de la mobilité de ces groupes de jeunes chamois
donne une indication de la possible conquête future de nouveaux territoires. Ce
facteur est important pour qu'au sein d'une même unité de gestion, la présence
des chamois soit la plus homogène possible. La gestion des populations de
chamois a énormément évolué depuis la mise en place du plan de chasse appliqué
à l'espèce voilà maintenant plus de dix ans. Le prélèvement qualitatif a
succédé au quantitatif pur et simple.
Le
souci d'un prélèvement justifié de jeunes ne doit pas être totalement supporté
par l'éterlou qui demeure, grâce a une pyramide des âges équilibrée, un garant
de la pérennité des populations. Enfin, sa présence modérée dans le tableau de
chasse fournit un bio-indicateur de choix afin d'affiner la gestion des peuplements.
Daniel Girod