Quelles jumelles choisir ?

 

L'acquisition d'une bonne paire de jumelles, investissement coûteux, est à prendre très au sérieux. Outre son arme, les jumelles sont l'outil principal du chasseur pratiquant l'approche ou l'affût.

 

La recherche précise d'un animal dans un relief chaotique de montagne, la découverte  d'un brocard viandant derrière un bosquet, d'un cerf jouant à cache-cache avec les brumes automnales du sous-bois ... Autant de situation qui réclament un matériel spécifique,  adapté à chaque mode de chasse et conditions climatiques, atmosphériques et saisonnières. Un chasseur pratiquant le gabion  ne demandera pas la même chose à ses jumelles qu'un chasseur d'isards ou de chamois. L'affût au cerf en période de brame, demande une optique

spécifique.

Le chasseur à l'arc chassant à la billebaude en foret, utilisera des jumelles appropriées. Hélas une bonne paire de jumelles coûte cher et adapter une optique à chaque situation est trop onéreux pour la bourse du chasseur moyen. C'est pourquoi est préférable d'investir dans un modèle de jumelles universel.

 

Selon le cas

L'emploi de jumelles en sous-bois lors des grandes battues hivernales n'est pas une nécessité absolue. Par contre, leur utilisation lors de poussées ou drucken, dans l'Est de la France, peut pleinement se justifier, car les animaux qui s'esquivent laissent le temps au tireur de les identifier avec rigueur. Pour la chasse à l'approche, ou à l'affût, l'observation de la faune et de la nature, de l'aube au crépuscule, et la surveillance du territoire, des jumelles sont également nécessaires. Pour la chasse silencieuse du brocard  elles sont indispensables, et même obligatoires dans la majorité des départements de notre pays, car elles permettent de juger l’animal sur pied et de procéder au tir sélectif. Pour la chasse au mirador ou au pirschant, des jumelles à l’indice crépusculaires le plus élevé seront les plus intéressantes , car l’acte de chasse se passe généralement au lever du jour ou au crépuscule. Ce sont ces heures-là ou elles jouent le plus leur rôle. Le chasseur de chamois, lui, passe la majorité de son temps a jumeler, du lever du jour au couché du soleil. Certains chasseurs de chamois, estiment que l’emploi d’une paire de jumelles pour la chasse est bien plus meurtrier que tout autre procédé, ou matériel existant. Toute la poursuite de la chasse étant, en effet, conditionnée uniquement, et logiquement, à la découverte de l’animal.

 

Où utiliser quelles jumelles

 

Des jumelles pour l’approche :

Il faut considérer deux disciplines pour l’approche :

La première se pratique généralement en sous-bois, donc en milieu ombragé ; et la seconde en haute montagne, ou dans de vastes plaines dénudées, où de nouvelles populations de chevreuils se développent. Les exigences de la chasse imposent au chasseur un matériel spécifique. Dans le premier cas, la puissance crépusculaire est essentielle, car le chasseur se sert plus de ses jumelles au petit matin, ou tard le soir. Les qualités recherchées dans ce contexte sont la luminosité, un indice crépusculaire élevé, un faible encombrement, un réglage rapide, la légèreté, un gainage qui amortit les chocs et le bruit, une image stable et une transmission lumineuse maximum. La chasse sélective exige, ces différentes qualités. Il faut reconnaître et jauger le plus rapidement possible le gibier, pour réaliser un tir prophylactique.

Les grossissements 7x42, 8x42, 7x50, et 9x40 sont les plus adaptés. Il est intéressant, dans ce cas, de rechercher une pupille de sortie relativement élevée, correspondant le plus possible à celle de l'œil humain: ce diamètre pupillaire ne peut excéder 8 mm car, au-delà, la capacité de l’œil ne permet plus l’emploi de ce surplus. Quand les conditions de lumière diminuent, la pupille se dilate. Outre ce phénomène d'adaptation de l'œil à la lumière, les  capacités d'ouverture de la pupille diminuent irrémédiablement avec l'âge. A 20 ans, la pupille de sortie est d'environ 8 mm, à 60 ans, le diamètre pupillaire n'est plus que de 4 mm. Les humains perdent, malheureusement, de leur acuité visuelle en vieillissant : 1 mm de diamètre pupillaire tous les dix ans. Pour la chasse en plaine ou en haute montagne, le repérage des ongulés se fait à grande distance à bras levé, puis il s'affine généralement avec l'aide d'un appui. Là, il est intéressant d'avoir un indice crépusculaire élevé pour le lever du jour, car la lumière est faible ; plus tard dans la journée, ce n'est plus une nécessité. On demandera alors aux jumelles d'avoir un grossissement important, un encombrement et un poids moindres, une définition rapide et irréprochable de l'image, un contraste et une clarté top niveaux, une étanchéité et une solidité à toute épreuve. La sélection d'optiques appropriée est: 8,5x42, 9x40, 10X40, 10X42, 10x32, etc. Passer toute une journée sur le terrain à jumeler exige du matériel de qualité. Les signes avant-coureurs du combat que mène la vue à rectifier l'insuffisance d'optiques médiocres sont des troubles de l'acuité visuelle, qui se soldent par de terribles maux de tête en fin de journée. Il suffit de regarder la marque des jumelles que portent les chasseurs de chamois ou d'isard autour du cou pour comprendre où est la vérité. L’expérience liée à une utilisation quotidienne est irremplaçable. La qualité se paye au prix fort et on ne change pas de jumelles comme de chemise. C'est pourquoi un tel achat doit être parfaitement ciblé et soumis à l'approbation d'un armurier spécialisé, ou d'un opticien compétent.

 

La chasse à l'affût:

Ici, le choix d'une paire de jumelles est conditionné à la puissance crépusculaire. L’acte de chasse correspond aux heures d'activités des grands animaux qui se rendent aux gagnages le soir, et rejoignent leurs remises tôt le matin. Presque toujours, ce mode de chasse se pratique dans de bonnes conditions et ne demande que très peu d'efforts physiques. Pour une meilleure mise au point, le jumelage se fait toujours en position d'appui. Certains fournisseurs, pour répondre aux souhaits de leur clientèle, distribuent des supports pour fixer les jumelles, un télescope, ou un appareil photographique sur l'un des montants, ou une traverse du mirador. Les jumelles avec une plage d'amplification variant de 8 à 12 fois sont les plus recherchées. Comme l'indice crépusculaire est ici le principal objectif, ces jumelles sont équipées de lentilles plus grandes, assurant ainsi une meilleure luminosité, ce qui a pour effet d'accroître le poids et l'encombrement, et de réduire obligatoirement le champ de vision. Le panel d'optiques de qualité proposé sur le marché est: 8x50, 8x56, 9x63, 10X50, 15x8O et 15x56. Swarovski propose un doubleur de focale pour jumelles, ce qui permet - on l'aura compris - de doubler le grossissement. Ainsi, une paire de jumelles 15 x 56 se transforme en télescope monoculaire de 30x.

 

Trop cher

Comme avec les lunettes de tir, le matériel coûte trop cher pour disposer d'une sélection appropriée à chaque mode de chasse. Le chasseur recherchera, en toute logique, un emploi universel de ses jumelles. Le marché actuel montre que les ventes de jumelles haut de gamme, dans le secteur chasse, se portent sur les modèles l0x32BA et l0x42BA de chez Leica. La 8,5x42EL et la l0x42SLC de chez Habicht Swarovski tiennent incontestablement le haut du pavé au niveau des ventes haut de gamme. En ligne intermédiaire, les Steiner 8 x 30 et 9 x 40 modèles Hunting font un véritable tabac commercial, car elles sont largement favorisées par un rapport qualité/prix imbattable. L’Américain Bushnell propose une gamme tout aussi bien placée, et largement représentée sur le marché, comme l'Allemand Optolith, avec sa gamme Alpin NG. Les opticiens détiennent 80 % du marché, et les armuriers 20 %. Sur ces ventes, 85% ne dépassent pas 1500 francs. Le marché opticien haut de gamme se partage principalement entre Swarovski, le numéro un, et Zeiss. Alors qu'en armurerie, le même marché, actuellement, se partage principalement entre Swarovski et Leica (constat fait sur un échantillonnage de jumelles présentées en vitrine concernant 285 armuriers du Sud-Est de la France).

 

En conclusion

Les principales fonctions demandées aux jumelles sont la solidité mécanique et la qualité optique. Pour tous les fabricants, la qualité optique est l'objet d'une étude constante, qui allie la recherche de la plus haute définition de l'image au plus grand contraste, ou piqué. Le pouvoir de résolution des optiques produit une image qui donne une impression de relief et fait ressortir un maximum de nuances, même lorsque la lumière est faible et peu contrastée. Le contraste est la résultante des traitements multicouches des lentilles et de la maîtrise du rendement lumineux Le traitement de ces surfaces en verre minimise les interférences de lumières parasites, résultant de la réflexion. Ces performance techniques aident à mettre en évidence des détails visuels difficilement dissociables par leurs couleurs. Il s'agit du traitement optique Pénétrator Fort Contraste chez Steiner, des traitements Swarotop chez l'autrichien Swarovski, du traitement Ceralin chez Optolith, etc. Chaque fabricant rivalise d'ingéniosité pour améliorer les traitements optiques. L'optique de qualité doit permettre l'observation à contre-jour, et augmenter au maximum le diamètre pupillaire pour l'observation crépusculaire. Le rendu des couleurs peut être amélioré par certaines dominantes de bleu ou de vert, et de rouge ou de jaune. Le jaune et le vert ont la particularité d'améliorer la vision par temps de brouillard ou de brume. Si l'on prend deux paires de jumelles 8x 30, et qu'on les compare en plein jour, on ne peut vraisemblablement pas voir de différence importante entre elles.

Dans la gamine moyenne des jumelles, il est difficile d'aligner rigoureusement tous les axes de visée avec l'alignement des axes des corps d'objectifs. S'il y a mauvais ajustage, il n'apparaît pas extérieurement. Ces vices de fabrication, ou aberrations d'astigmatisme discret, peuvent produire une image trouble et des distorsions qui déforment les images, quand les axes optiques des deux fûts ne sont pas rigoureusement parallèles, ou les grossissements différents. Néanmoins, les petits défauts d'ajustage sont bien plus néfastes, car l’œil humain a la particularité de compenser dans un laps de temps relativement rapide ces différents défauts de parallélisme, de chromatisme (lisière colorée entourant le sujet), de sphéricité (perte de contraste et voile), de courbure de champ (image nette seulement au centre). En début d'observation, on ne les remarque pas, puis, au bout de quelques heures d'effort visuel, les yeux commencent à papilloter et les maux de tête à se faire sentir. C'est là que le chasseur se lasse de ses jumelles et les oublie au fond d'un placard.

 

Ce que chasseur veut

Il existe deux types de construction de jumelles: à prisme de Porro et à prisme en toit. Les premières sont classiques, ont un poids et un encombrement plus faibles, mais, plus fragiles, un choc peut en désaligner les axes optiques. Le chasseur recherche la légèreté, l'indice crépusculaire, le champ de vision, un gainage antichoc et antibruit, une garantie d'étanchéité, un traitement antibuée qui résiste aux écarts de température, une ergonomie pratique, un traitement anti-ruissellement, une mise au point interne techniquement fiable, équipée d'une mécanique de référence, une mise au point rapprochée, des oeilletons rétractables ou bonnettes arrondies, un protège-oculaires contre les intempéries et une courroie bandoulière pratique pour le confort du port durant de longues heures de marche.

 

Petit lexique

 

Que signifie lOx32BA?

Le premier nombre indique le grossissement. L'objet observé est 10 fois plus grand et plus près de l’œil nu. Le second nombre indique le diamètre de l'objectif. Les lettres qui accompagnent les nombres désignent des modèles différents, ou signifient la présence d'un gainage caoutchouté.

 

Qu'est-ce que la pupille de sortie?

Son diamètre est égal au diamètre de l'objectif divisé par le grossissement.

Exemple: lOx4O, c'est donc 40: 10 = 4 mm. Lorsque l'on ne peut pas tenir ses jumelles stables, il est plus facile de maintenir la pupille de l’œil dans la pupille de sortie des jumelles ; plus importante que celle de l’œil, elle évite de perdre le sujet observé et facilite le confort visuel.

L'observation crépusculaire ou d'intensité lumineuse faible est plus aisée avec des jumelles 7x50, d'une pupille de sortie de 7,1 mm, qu'avec de petites jumelles compactes type 10x25, d'une pupille de sortie de 2,5 mm.

 

Que désignent les nombres théoriques 130 mètres à 1000 mètres ?

Par exemple, avec une paire de jumelle 7x50 Steiner, on peut avoir, à 1 km, un champ de vision de 130 m de large. Ce nombre désigne toujours la dimension du champ observé à 1 000 m.

Dans la pratique ce nombre se trouve généralement réduit pour des jumelles de mauvaise qualité. C'est ce qu'on appelle le phénomène de vignettage. On remarque alors une image floue sur le bords des lentilles, ce qui a pour effet de réduire le champ de vision théorique donné par le fabricant.

 

Qu'est-ce que l'indice crépusculaire ?

Plus il est élevé, plus on pourra distinguer de détails. Il n’indique qu’une aptitude théorique car, dans la pratique, d’autres critères de qualité interviennent tels les traitements multicouches, la précision mécanique et le pouvoir séparateur. Il se calcule comme suit: pour une paire de jumelles 10x40, il est égal à la racine carrée de l0x40, soit 20. On peut conseiller, pour l'observation crépusculaire, une 7x50, qui a un indice crépusculaire moindre de 18,7, mais qui a l'avantage d'avoir pupille de sortie plus importante de 3,1 mm ; ce qui facilite grandement le confort d'utilisation.

 

Patrick Zabé