Des battues au sanglier au pied des barres

des Mureaux
Mercredi 23 janvier 2002
(LE MONDE)

Au pied des barres d'immeubles d'un quartier jouxtant l'hôpital intercommunal, le spectacle est impressionnant : les pelouses d'agrément sont labourées, retournées, saccagées. Les coupables ? Des hardes de sangliers déboulant des châtaigneraies qui entourent l'est des Mureaux, agglomération de 34 000 âmes des Yvelines, entre Seine et autoroute A13. Dès le crépuscule, les suidés prennent possession de ces zones périurbaines où cohabitent cités HLM, sous-bois, lotissements pavillonnaires, taillis et usines, dont le centre de montage de la fusée Ariane 4. Depuis le début de l'hiver, l'invasion est quotidienne. Elle a obligé le préfet à signer un arrêté autorisant une battue administrative – qui a eu lieu le 10 janvier – sur ce territoire ! abandonné depuis quelques années par les sociétés de chasse.

Le bois de Verneuil, en périphérie de la ville, où se cachent la journée quartaniers et laies, n'est fréquenté que par les joggers du dimanche. Pas de quoi effrayer ragots et autres solitaires tapis dans les ronciers, qui prolifèrent. A raison de deux portées par an de huit marcassins en moyenne, le cheptel a rapidement augmenté, dans des proportions qui ont inquiété riverains et municipalité. "Nous avons recensé environ 70 sangliers dans ce secteur des Mureaux", précise Michel Langueneur, adjoint au maire chargé des sports, des loisirs et du tourisme.

A ce phénomène de surpopulation s'ajoute cette année un facteur saisonnier qui explique les dévastations des pelouses : l'automne fut particulièrement fructueux, avec abondance de glands et de châtaignes. Les sangliers des Mureaux s'en sont repus, avec pour résultat des complications digestives. Mais ces animaux ont leur remède : retourner la terre des gazons pour s'alimenter en vers qui facilitent le transit intestinal. D'où ces expéditions nocturnes au plus près d'immeubles.

Plus préoccupante pour les autorités : la familiarité qu'entretiennent les sangliers avec leurs voisins humains. "N'étant pas chassés, la présence de l'homme n'est plus synonyme de danger pour eux, explique M. Langueneur. Il arrive souvent que les habitants se retrouvent nez à groin à la porte-fenêtre du salon de leur pavillon ! Plus grave, les sangliers provoquent des accidents de la circulation." Autant de raisons pour lesquelles les battues ont repris afin de renvoyer les sangliers hors des zones habitées et réguler leur population.

Le 10 janvier, trois sangliers, dont un spécimen de 110 kg, ont été tués par des chasseurs triés sur le volet. La nouvelle municipalité de gauche plurielle veut éviter un massacre pour ne pas froisser les élus municipaux Verts. Elle estime cependant que le tableau de chasse pourrait s'étoffer de quelques pièces supplémentaires. Ainsi, une deuxième battue administrative est-elle prévue le 29 janvier avec des effectifs plus importants : 60 fusils et 20 rabatteurs. Cette coopération entre la ville et la société de chasse locale doit également permettre de resserrer des liens distendus avec les chasseurs et les encourager à réinvestir les bois de Verneuil. Quelques riverains s'étaient plaints de leurs tirs trop proches, sous l'ancienne municipalité, " alors qu'ils ne chassaient que le pigeon", rectifie M. Langueneur. Les mêmes les réclament aujourd'hui pour protéger leurs pelouses des groins, boutoirs et broches.

Jean-Pierre Dubois