La chasse du lièvre

aux chiens courants

Source Ediloisir Magazine – Petit Gibier – SNCC

 

 

 

Connaître le comportement du lièvre est une des conditions essentielles pour mieux le chasser. Il reste sans doute le gibier le plus mystérieux. Il est souvent un véritable rebus, un casse-tête où chiens et chasseurs arrivent à perdre leur latin… Certains parlent de ruses, d’autres n’y voient que des réactions naturelles. En tout cas, avec, lui ce n’est jamais gagné d’avance !

 

 

Vieille tradition française pratiquée en France depuis près de 20 siècles, la chasse du lièvre aux chiens courants a été à l'origine de la sélection de nos plus prestigieuses races de chiens courants. Parmi les races les plus appréciées, les Ariégeois, les Grands bleu et le petit bleu de Gascogne, le grand et le petit Gascon Saintongeois, le Griffon bleu de Gascogne, le Griffon Vendéen et Nivernais, le Porcelaine, le chien d'Artois, le Beagle-Harrier, le Beagle, le Bruno du Jura. Une meute de chien de lièvre sera en général composée de 5 ou 6 chiens créancés sur la voie du lièvre et très collés à la voie. Comme pour chasser le sanglier la meute devra être homogène ; les chiens bien ameutés et de même train, fins de nez et bien gorgés. La voie du lièvre est une voie subtile, légère et difficile à suivre et les chiens courants auront souvent bien des difficultés à démêler cet écheveau de voies entre croisées que le lièvre aura tracé avant de se gîter. D'instinct et probablement par sécurité pour échapper à ses prédateurs, le lièvre effectue plusieurs retours sur lui-même en croisant ses voies, l'accès au gîte se fait souvent après un grand bond.

La chasse traditionnelle du lièvre aux chiens courants se pratique le plus souvent en équipe de 3 ou 4 chasseurs aidés de 5 ou 6 chiens courants. Le propriétaire de la meute, le "meneur de chiens" ne découplera ses chiens que sur des places à lièvres connues, il chassera la plupart du temps sans fusil, son seul souci étant d'orchestrer une belle quête, un beau lancer et une belle menée. La progression sur le terrain se fera lentement afin de laisser aux chiens le temps de démêler la quête.

Au sol, des touffes de poils aux extrémités noires attestent d'un combat entre bouquins, les crottiers, eux, donneront des indications précieuses sur le sexe de l'animal ; les petites crottes pointues éparses sur le lieu de gagnage sont celles d'un mâle, celles plus grosses et plus rondes et en forme de petits tas sont celles de la hase. Les gîtes, sortes de petites dépressions naturelles, que le lièvre a imprimé au sol, vont renseigner le chasseur sur la présence ancienne ou récente du gibier. Le lièvre possède plusieurs gîtes où il se repose le jour, ces gîtes sont choisis en fonction du vent, de la saison ou de la température, ce peut être dans un labour, un pré, une culture, au pied d'un arbre, très rarement dans un vieux terrier de renard ou de lapin. Le lièvre est très actif la nuit qu'il consacre presque exclusivement à la recherche de nourriture surtout végétale. Bien que la plaine soit le domaine préféré du lièvre, après le ramassage des récoltes, il va se réfugier dans les haies et les bois. Par contre, le bruit du vent dans les branches, la chute des feuilles en automne lui feront quitter le bois car il ne s'y sentira plus en sécurité, n'entendant pas venir ses ennemis.

Par temps de gel, on peut le trouver au marais ou près d'un  cours d'eau. Confiant dans son mimétisme, il ne va pas fuir systématiquement à l'approche de l'homme ou du chien, les yeux exorbités, les oreilles collées au corps, il va se raser au maximum dans une immobilité absolue et ne prendra le parti de la fuite discrète qu'une fois le danger passé. Plus rarement, lorsque le chasseur aperçoit le lièvre gîté, il évitera de le débusquer devant les chiens qui risqueraient de le poursuivre à vue. Il préférera privilégier le suivi d'une voie chaude, le nez collé au sol.

Pas question bien sûr " d'assassiner " le lièvre au saut du gîte, la consigne de rigueur pour les tireurs postés étant de ne tirer lièvre qu'au terme d'une belle menée afin qu'il soit vraiment mérité et que toute l'équipe aie pu apprécier le travail des chiens.

S'il y a une jouissance dans cette chasse c'est bien dans la difficulté que représente la recherche de la voie légère d'un animal extrêmement méfiant et rusé.

En début de saison par exemple, sur une terre chaude fraîchement détrempée, les émanations laissées par le capucin seront nulles, et le meilleur des chiens ne prendra pas connaissance de la voie même si elle est chaude.

Un brouillard épais et persistant n'est pas non plus très favorable, de même les vents du Sud, du Sud Est, et de l'Est, les meilleurs vents semblent être ceux d'Ouest et de Nord Ouest.

La meilleure saison pour chasser le lièvre débute vers la mi octobre et se poursuit jusque vers la fin décembre en fonction bien sûr des arrêtés de fermeture. A partir du mois de novembre, la chasse du matin au petit jour semble être la plus prisée par les chasseurs de lièvres ; on parle alors de "matinée". Les chiens prendront connaissance d'une voie de nuit plus tenace et plus chaude dont les effluves s'estomperont vers le milieu de la journée pour s'améliorer le soir. On ne pourra jamais prévoir à l'avance la qualité d'une vole, les  éléments naturels et surtout la qualité de nez des chiens feront la  différence. Le lièvre une fois  débusqué va mettre le plus de distance possible entre lui et les chiens, il préférera s'enfuir sur un terrain qui monte que sur une descente. S'il juge qu'il a pris une avance suffisante sur les chiens on dit alors qu'il se forlonge, il va s'arrêter, écouter les chiens, et comme il est très casanier et fidèle à son territoire il finira souvent par revenir sur le lieu du lancer non sans avoir auparavant utilisé mille ruses pour dérouter la meute.

Pour ce faire, il va doubler sa voie, il reviendra plusieurs fois sur ses pas, il suivra volontairement les chemins goudronnés où le sentiment de sa voie s'évanouira, il traversera un troupeau pour brouiller les pistes. Il nagera sur une portion de cours d'eau en longeant le bord sur quelque mètres puis traversera de l'autre côté. Il peut encore utiliser des cachettes insolites comme un tronc d'arbre creux penché à un mètre du sol, le vieux mur d'une masure écroulée, un outil agricole abandonné momentanément.

Les bons postes à lièvre sont souvent matérialisés par des  repères, comme un croisement de chemins, un arbre isolé ou appartenant à une espèce différente de ceux qui l'entourent, au détour d'une haie, près d'une cabane, d'un poteau électrique, etc...

A moins d'une modification importante du biotope pour cause d'aménagements agricoles par exemple, on retrouve invariablement ces postes d'une année à l'autre.

Si le chasseur posté sait rester immobile, le lièvre mené, du fait qu'il est quasiment myope, peut se diriger droit sur lui jusqu'à lui passer au ras des bottes. Dans ce cas, le chasseur aura le choix de tirer devant lui à une trentaine de mètres en pensant toujours à devancer l'animal suivant sa vitesse pour ne pas faire derrière ou bien il laissera passer le gibier et visera un peu au dessus des oreilles.

Les plombs les mieux adaptés pour occire proprement un lièvre adulte semblent être le n°6 ou 5, dans le canon droit, le n°4 ou 2 dans le canon gauche. Pour les fusils automatiques pouvant tirer 3 cartouches, la première cartouche chargée en plomb n°5 et les 2 suivantes en n°4 pareront à toute éventualité.

La charge de plombs s'avère  toujours plus meurtrière sur un lièvre tiré par le travers le corps étiré dans sa course, que sur lièvre tiré par cul, surtout en arrière saison où la bourre épaisse du train arrière peut amortir les plombs qui vont s'écraser sous la peau sans traverser la chair.

L'utilisation de plombs durcis et nickelés semble un choix judicieux.

 

Règle d'or:

Ne jamais tirer un lièvre à plus de 35, 40 mètres. Lorsque les chiens arrivent à la mort du lièvre certains chasseurs ouvrent le ventre de celui-ci et leur donnent les tripes encore chaudes et sanguinolantes pour les récompenser.

Lorsqu'il y a de jeunes chiens dans la meute qui n'ont pas encore eu l'occasion de sentir un lièvre de près, il arrive même que le chasseur sacrifie le premier lièvre de l'année en le laissant dévorer aux chiens, certainement pour mieux les motiver et les conditionner pour les prochaines sorties.

 

Est-il possible de chasser le sanglier et le lièvre avec la même meute de chiens ?

Oui, bien que cela demande beaucoup de doigté et d'expérience car les deux animaux vivant intensément la nuit et se reposant le jour utilisent à peu près les mêmes ruses. Les deux voies même si celle du sanglier est plus forte vont se ressembler. Dans les deux cas il faudra des chiens sûrs et collés à la voie ne s'adonnant pas à la voie des cervidés.

Lors d'une épreuve nationale de travail sur lièvre qui s'est déroulée dans les Hautes-Pyrénées en février 99, l'heureux gagnant, chasseur et conducteur d'une meute de grands griffons vendéens, utilise aussi cette même meute pour chasser le sanglier. Les chiens seront toujours arrêtés avec ménagement sans qu'ils se sentent brimés, lorsqu'on voudra les rameuter pour les faire passer de la voie du lièvre à celle du sanglier, alors que l'on se montrera ferme et intraitable lorsqu'ils changeront sur la voie du chevreuil. Certains chasseurs utilisent le collier électrique dans ce cas, bien que très efficace cet outil doit être employé avec beaucoup de prudence en évitant de s'en servir sur des sujets craintifs.

Certains vieux chasseurs de lièvres ont un peu décroché avec l'expansion des cervidés occasionnant de sérieux problèmes de change; les chiens empaumant la voie du chevreuil en priorité. Cependant de jeunes "mordus" ont monté des meutes de courants parfaitement créancés sur la voie du lièvre et participent à des épreuves de Brevet de chasse. Ces épreuves ou le fusil absent, suscitent de plus en plus d'enthousiasme et de passion et sont l'occasion de rencontres intéressantes, la confrontation des meutes sur le terrain est toujours riche d'enseignements, le chasseur en retirera le plus souvent une leçon d'humilité en constatant que ses chiens ne sont pas toujours les meilleurs.

 

La chasse du lièvre aux chiens courants est une chasse d'éthique où tout chasseur aux chiens courants devrait faire ses premières armes. Elle est l'école de la sagesse et requiert de la part du chasseur un long apprentissage de la nature, des mœurs du gibier chassé, ainsi qu'une maîtrise absolue des chiens et de leur dressage qui ne sera jamais tout à fait acquis, mais sans cesse remanié sur le terrain.

Le chasseur restera toujours le chef de meute qui guidera ses chiens et saura les remettre sur la voie lorsqu'ils prendront le change ou le contre-pied, il veillera à ce qu'ils restent groupés et collés à la voie mais en se tenant à l'écart tout en leur laissant un maximum d'initiative. Tâche ardue et difficile, mais que d'émotion, que de joie quand au terme d'une longue menée ou les récris graves des gascons ou ceux plus aigus des beagles s'amplifiant par delà les combes et les vallons vous font vraiment chaud au cœur.