La chasse aux « Verts » est ouverte
Au bout de leurs fusils, les « écolos ». Les chasseurs maritimes de la baie d’Authie veulent les déloger du pouvoir au profit de la droite. Et espèrent « regagner tout ce qui a été perdu ».
« On n’est pas ici pour faire de la politique. » C’est ce qu’avait cru bon de préciser Didier Frémaux, qui prétendait avoir déposé sa casquette de conseiller régional CPNT (Chasse, pêche, nature et traditions) à l’entrée de la salle d’honneur de l’hôtel de ville berckois. Pourtant, l’assemblée générale de l’Association de chasse maritime de l’Authie nord qu’il présidait, dimanche matin, s’est vite transformée en tribune politique.
Un feu nourri était tiré en direction des Verts, et par ricochet de toute la gauche plurielle, à deux semaines du premier tour de l’élection présidentielle. La majorité actuelle est accusée d’avoir fait adopter « une loi chasse anti-chasse » élaborée par Dominique Voynet, à laquelle a succédé Yves Cochet. Les chasseurs reprochent aux ministres Verts de l’Environnement d’être « juges et parties » dans le débat houleux qui oppose les « pro-chasse » et les « anti-chasse ».
Didier Frémaux a rappelé le « contexte pénible » avec les « menaces nouvelles » qui pèsent sur la chasse, notamment celle au gibier d’eau. Et pas seulement avec la loi chasse, « qui a offert un chèque en blanc au ministre (de l’Environnement) pour fixer les dates d’ouverture et de fermeture ». L’élu CPNT craint aussi, si les Verts restent au pouvoir, la suppression de la chasse le dimanche et la remise en cause à terme de la pratique de nuit.
Dans la perspective des élections législatives, pour lesquelles il sera candidat (dans la 4e circonscription), Didier Frémaux a assuré qu’il n’y aura « pas de cadeau aux députés qui ont soutenu la loi chasse, notamment dans le Pas-de-Calais, la Somme, les Landes, la Gironde ». En écho, Gilles Deplanque prévenait : « Il importe de ne pas se tromper de bulletin de vote. » Et le représentant de l’Association nationale des chasseurs de gibier d’eau (ANCGE) de décrire de manière colorée : « A l’intérieur des roses et des rouges, c’est vert. » Il a estimé que la réduction des périodes de chasse et l’instauration de mesures de protection de la faune sauvage, avec la directive Natura 2000 qui vise à créer des zones de protection sensibles, répondaient à des « enjeux politiques » et non scientifiques. Evoquant les disparités de réglementation entre les pays européens, il a lancé : « On a des espèces qui se portent très bien... sauf là où il y a des Verts au gouvernement. »
« Rien à négocier »
Après lui, Jean Savoye, devenu conseiller municipal à Berck, où les chasseurs ont leur place dans l’équipe hétéroclite de Bruno Cousein qui a battu la gauche en mars 2001, n’a pas fait dans la dentelle. Dans un propos agrémenté de mots crus, il n’a pas hésité à décrire les fonctionnaires du ministère de l’Environnement, avec qui « il n’y a rien à négocier », comme « intellectuellement malhonnêtes », sans craindre de voir les chasseurs invités à balayer devant leur propre porte. Il pouvait déplorer : « Dans quelques années, la chasse au gibier d’eau, il n’en restera plus grand’chose dans ce pays, voilà ce qui nous attend ! »
Philippe Bettig, président de la fédération départementale des chasseurs, s’était attaché au contraire à demander à ses troupes de « ne pas se décourager ». Et de voter massivement au premier tour de la présidentielle pour le candidat CPNT, qui sera en meeting demain à Hesdin (lire ci-dessus). « Jean Saint-Josse va faire un tabac, il va enfoncer le candidat Vert », a-t-il prédit, en appelant de ses voeux « une tutelle neutre au ministère de l’Environnement ».
Ne ratant pas l’occasion de venir se faire applaudir en terrain « ami », même un peu en retard, dimanche matin, Léonce Deprez a brossé les chasseurs dans le sens du poil, comme il sait si bien le faire. « Ceux qui vivent le plus près de la nature, ce sont les chasseurs », a lancé le député en rappelant son vote hostile à la loi chasse. Et de préciser : « Ce qu’une loi a fait, une autre loi doit le défaire. »
Le député UDF propose que les périodes de chasse soient étendues du 14 juillet à fin février. Et il entend peser sur l’Europe (mais comment ?) pour « retrouver la maîtrise des espaces », c’est-à-dire réviser la directive Natura 2000 pour que les chasseurs puissent continuer à fréquenter les baies de Canche et d’Authie.
Un discours qui ne pouvait que plaire aux chasseurs. Ceux-ci entendent en effet constituer un groupe de pression suffisamment fort pour obtenir de la droite républicaine, si elle revient au pouvoir, des modifications législatives en leur faveur. Didier Frémaux, qui avait manifesté le souci des chasseurs de « regagner tout ce qui a été perdu », pouvait lancer à son « futur opposant » aux législatives : « Encore quelques efforts, M. Deprez, et vous pourrez adhérer à CPNT. »
S’il n’était pas tout à fait question de politique, dimanche, il était au moins question de chasse aux « politiques ».