« Dans Chasse, pêche, nature et
tradition, il y a chasse et je vais en parler une seule fois pendant la
campagne, ce soir », explique Yves Bayart, un artisan de Bauvin, qui
défendra les couleurs du mouvement de Jean Saint-Josse aux législatives,
dans la cinquième circonscription. Ce soir-là, dans la salle
polyvalente de Camphin-en-Carembault, il a réuni une quarantaine de
personnes, en majorité des amateurs d’art cynégétique, pour leur présenter
un montage vidéo expliquant comment bien gérer un territoire de chasse.
Une synthèse qui est consacrée à la perdrix, au faisan naturel, au lièvre,
au lapin et au sanglier, et qui repose sur l’agrainage. Si le moment
n’est pas encore venu pour ce quinquagénaire d’entrer directement en
campagne, il dit quand même quelques mots sur ses motivations : « Les
gens attendent un autre langage ; ils veulent des choses simples, qu’on
s’occupe de leur vie quotidienne. » Il lâche aussi, à l’endroit de
Martine Aubry, la maire de Lille et candidate du PS :« C’est quelqu’un
de la circonscription qui aurait dû être à sa place ; il y a suffisamment
de gens capables. » Et la chasse dans tout ça ? Pour lui, comme
pour les gens venus l’écouter, c’est un loisir, un sport. « Quand on
n’est pas heureux dans ses loisirs, on ne peut pas être heureux au
boulot, affirme Yves Bayart. La chasse c’est notre vie et tout le
monde, chasseurs ou pas, doit pouvoir vivre ensemble.
» Rendre ce que le progrès a pris « Il faut
rendre au petit gibier tout ce que lui a pris le progrès avec le
remembrement, la disparition des haies, etc. », poursuit le Bauvinois
en détaillant les mérites de la technique de l’agrainage qui consiste à
disposer des réserves de graines pour le gibier dans des endroits précis.
« Donner un apport de nourriture à une compagnie de perdrix, à
partir de début novembre, c’est permettre à la femelle d’avoir plus
d’oeufs, de couver plus vite et, du coup, de voir sa population croître
d’environ 30 à 40 % en un an. Au-delà, ça ne sert à rien, le but étant
d’avoir une soixantaine de couples pour cent hectares. » Il s’agit
aussi, vers la fin de l’année, de réduire le phénomène dominant-dominé en
créant pour les oiseaux les plus faibles des sources d’approvisionnement
un peu à l’écart. Le principe est le même pour les sangliers. Quant
aux lapins, cause de bien des soucis pour les agriculteurs, il suffit,
selon le chasseur, de préserver des bordures d’herbe et de luzerne à
l’orée des bois. Et de les entretenir : une tonte, deux à trois fois par
an, favorise les jeunes pousses. Et les lapins en sont friands.
|
La
gibecière pleine de signatures, le « candidat de la ruralité » bat
la campagne
pour
faire mieux qu’aux européennes Jean Saint-Josse,
le chasseur sachant chasser les
voix
|
A la chasse aux
signatures, Jean Saint-Josse n’a pas besoin de rabatteurs. Sa
gibecière est pleine, elle déborde même avec plus de sept cents
paraphes glanés dans 80 départements, et d’autres à venir ! Rien
d’étonnant, s’amuse le « candidat de la ruralité » qui a
déposé hier sa lourde besace au Conseil constitutionnel. Chasse,
pêche, nature et tradition récolte aujourd’hui les fruits de son
enracinement dans la France profonde. Dans le vivier des 36 000
communes rurales, le soutien au candidat CPNT ne risque pas en effet
de causer des problèmes à Madame ou Monsieur le Maire. Jean
Saint-Josse est des leurs. Elu député européen en 1999, il a certes
laissé son écharpe de maire mais reste premier adjoint dans sa
commune de Coarraze, à mi-chemin entre Pau et Lourdes, dans cette
plaine de Nay où Gaston Fébus, comte de Foix, à la fin du XIVe
siècle, et « CPNT » avant l’heure, traquait le loup et le renard
avant d’écrire son célèbre Livre de chasse. A
l’ouverture Lorsque nous l’avons rencontré dans les
petits bureaux qu’il loue à deux pas des Champs-Elysées pour le
temps de la campagne, Jean Saint-Josse était impatient de repartir à
tire-d’aile au pays, le temps du week-end. A Paris, le Béarnais
n’est pas dans son élément, même s’il a prouvé la semaine dernière
qu’il pouvait aussi y remplir une salle ! Tout l’appelle au pays.
Les amis de la chasse à la palombe qu’il a pratiquée dès l’âge légal
de 16 ans. La grande famille du rugby, aussi. Avec les gloires
locales, les Garuet, Spanghero, Dauga, Albaladejo, il parle la même
langue rocailleuse, lui qui fut dans les années soixante trois fois
champion de France universitaire, au poste de demi d’ouverture, «
le plus difficile ». Surtout qu’à l’époque, les montagnes de
la troisième ligne pouvaient se détacher de la mêlée et vous tomber
sur le râble ! Commencée il y a 57 ans sur les bords du Gave de
Pau, la vie de Jean Saint-Josse n’a rien eu d’un fleuve tranquille.
« La vie m’a fait changer plusieurs fois de profession »,
mais sans jamais l’éloigner du pays. Il dut d’abord interrompre ses
études de droit pour épauler son père sur les marchés où il vendait
des vêtements. Plus tard il ouvrira sa boutique de vêtements en
franchise, avant d’être, lors de la grande vague des radios libres,
directeur commercial de NRJ, pour le Sud-Ouest bien sûr ! Plus
récemment, Jean Saint-Josse a goûté au stress du métier de chef
d’entreprise en remettant à flot une maison d’édition. Aujourd’hui
la politique est son métier et il donne le sentiment d’y avoir pris
goût. « Candidat par obligation », vraiment ? Si l’homme
chasse aujourd’hui sur les terres des partis classiques, c’est la
faute à tous ces bureaucrates européens qui se sont mêlés de ce qui
ne les regarde pas ! Et aux partis eux-mêmes qui n’ont pas su
défendre les intérêts de la France profonde. « Dans les
campagnes, il faut voir ce qui reste comme loisirs ». Alors
toucher aux dates d’ouverture de la chasse, c’est porter atteinte à
un art de vivre. « On fait passer le bien-être de l’animal avant
le bien-être de l’homme. » De là à se présenter à la
magistrature suprême, il y a un pas que le Béarnais a franchi, porté
par les siens : « A Coarraze, je pensais qu’ils trouveraient ma
candidature un peu surréaliste. Au contraire, ils sont mobilisés
comme jamais. » Leur héros bat donc la campagne avec l’espoir de
dépasser le score de 1,2 million de voix atteint aux européennes de
1999. C’est écrit en espagnol sur le fronton du château de Coarraze
: « Lo que a de ser, no puede faltar » – ce qui doit arriver
ne peut manquer de se produire ! Hervé
FAVRE | |