CONSEIL REGIONAL D'AQUITAINE
Chasse aux Verts
Lundi, au Conseil régional, le débat sur le réseau Natura 2000 s'est transformé en une opération politique pour CPNT (Chasse, pêche, nature et traditions)

Par : JEAN-PIERRE DEROUDILLE

Alors que les conseils municipaux n'ont plus que quelques jours pour rendre leur réponse au préfet sur les propositions de zonage au titre de Natura 2000 (1), le groupe Chasse, pêche, nature et traditions (CPNT) a obtenu un copieux débat sur ce sujet, lundi soir, en séance plénière du Conseil régional d'Aquitaine.
Pour les amis de Jean Saint-Josse, candidat à l'élection présidentielle, l'occasion était belle de montrer qu'ils ne s'intéressent pas exclusivement à la chasse, comme l'a fait remarquer Henri Sabarot, président du groupe CPNT au Conseil régional.

VIGNES INTERDITES
Le maire de Carcans (Gironde) citait ainsi une ordonnance de juillet 2001 rendue contre le ministère de l'économie et des finances par le Conseil d'Etat, et qui suspendait la plantation de vignes dans un vignoble alsacien avec appellation d'origine contrôlée. Il obtenait le soutien de Charles Vérité (PS Gironde), qui indiquait que les travaux prévus au port de Langon pour accueillir les pièces de l'Airbus A 380 pouvaient être remis en cause parce qu'ils perturbaient le biotope du vison d'Europe et de la truite sauvage sur le cours du Brion.

 

Le sénateur Jacques Valade (RPR Gironde) ajoutait pour sa part que le classement de l'estuaire girondin pourrait même empêcher les travaux de dragage nécessaires à l'accessibilité du port de Bordeaux. Le port de Bristol (Royaume-Uni) ne vient-il pas de se voir opposer par la Cour de justice européenne le classement de l'estuaire de la Severn ?
La motion de soutien aux communes et intercommunalités sommées, selon CPNT, de se prononcer sans trop savoir ce que pouvait impliquer un éventuel classement ni sur quel fondement il était établi, avait donc beaucoup de chances d'être largement adoptée. Il ne s'est en effet trouvé personne dans l'hémicycle pour défendre Natura 2000 en l'état.


Même Pierre Hurmic (Verts) ne se montrait pas un inconditionnel d'une procédure qui ne rencontre pas beaucoup de soutien chez les élus locaux. Il choisit cependant de faire face courageusement. Seul de son parti à être resté en séance, il répondait que Natura 2000 est loin d'être la seule procédure de protection de sites sensibles. La France en est déjà pleine, rappelait-il, entre les réserves, les parcs ou les zones naturelles d'intérêt floristique et faunistique (ZNIEFF).

ECLATEMENT EVITE
Annie Garissou (RPR) répondait toutefois que les maires de petites communes étaient complètement désarmés pour répondre au préfet : « Nous avons le couteau sous la gorge et aucun argumentaire pour nous défendre. » Henri Sabarot pouvait ajouter que les critères scientifiques utilisés pour définir les zones étaient souvent loin d'être justifiés et, surtout, élaborés après coup.

Restait à voter la motion de soutien aux communes et intercommunalités proposée par CPNT. Celle-ci comportait des termes volontairement durs à l'encontre de Dominique Voynet, ancienne ministre de l'environnement, fustigeant le « comportement antidémocratique du ministre en charge du dossier jugé ». Une phrase que le groupe PS, présidé par Jean-Louis Carrère, sénateur des Landes, ne voulait pas accepter.

Malgré les appels du pied d'Alain Rousset, qui s'était montré très bienveillant vis-à-vis des chasseurs et qui en appelait à la « sagesse de l'assemblée » pour s'accorder sur un texte qui pourrait être voté à l'unanimité, Henri Sabarot se montrait intraitable et soutenu, de façon inattendue, par Jean-Charles Paris (UDF) : « Il n'y a pas une ligne à changer. » PS et PCF, tout comme les Verts, refusaient donc de prendre part au vote, alors que tous les autres groupes adoptaient la motion maximaliste. Ils avaient évité de justesse l'éclatement de leur coalition.


CPNT avait donc réussi son opération : faire adopter sa motion, tout en mettant l'exécutif « pluriel » en minorité. Il montrait une fois de plus que le groupe charnière conservait tout son pouvoir au sein de l'assemblée régionale et pouvait partir en campagne avec un brevet d'opposant, alors qu'il est souvent accusé de soutenir systématiquement l'exécutif.

 


(1) La directive « Habitats » adoptée par le conseil des ministres européen en 1992 prévoit de mettre en place le réseau Natura 2000 de sites naturels à protéger au sein de l'Union. C'est la mise en place de ce réseau qui est laborieuse.