Lettre Ouverte à Jean-Pierre
Amat :
Comment osez-vous Jean-Pierre
Amat ?
Votre entretien au journal Libération du
29 mars 2002 à la suite de la tuerie de Nanterre constitue un modèle
d’indécence, de sectarisme et de
désinformation.
Indécence parce que vous « surfez » sur une
vague d’indignation et un deuil profondément partagé pour régler
quelques comptes avec ceux qui ne pensent pas comme vous à la
Fédération française de tir (c’est-à-dire à peu près tout le monde)
et pour annoncer votre disponibilité comme « expert »
auprès du politicien qui voudra bien vous embaucher… Ainsi, les
140.000 tireurs de la fédération, qui ont assuré durant des années
par leurs cotisations vos fins de mois de tireur professionnel et
d’entraîneur, appartiendraient selon vous à la catégorie des tireurs
de loisir, opposés au tireurs sportifs, entendez de
« compétition olympique ». C’est un peu comme si un
champion olympique de cyclisme sur piste déclarait qu’il fallait
interdire les courses sur route et les ballades à vélo du dimanche,
suprême horreur non compétitrice et de loisir. Hors du sport d’élite
olympique ultra-subventionné, véhiculant de si saines valeurs que le
dopage y est endémique, point de salut. Les golfeurs, joueurs de
tennis, coureurs à pieds et autres n’ayant jamais souhaité faire de
compétition mais seulement pratiquer un loisir qui leur plaît
apprécieront sans doute votre conception du sport, qui fleure bon la
RDA du temps jadis.
Mais, dira-t-on, les armes ce n’est pas pareil, c’est dangereux.
Aussi, vous vous en prenez au « gros calibres » et au tir
sportif de vitesse, disciplines selon vous malsaines car utilisant
des armes « de guerre ». Premièrement, les armes de tir
sportif de vitesse sont aussi différentes des armes de guerre de
dotation que peut l’être une formule 1 d’une jeep. Deuxièmement,
vous savez pertinemment que la définition de ce qu’est une arme de
sport est un non sens : c’est la pratique qui est sportive, pas
l’instrument. De ce point de vue, vous omettez sciemment de préciser
que le tir à 300 mètres, que vous avez pratiqué avec succès, et le
biathlon, dont vous êtes l’un des entraîneurs de l’équipe de France,
sont issus précisément de disciplines militaires. Si le biathlon se
tire désormais avec des .22 long rifle, il n’y a pas si longtemps il
était encore pratiqué aux jeux olympiques avec d’« affreux gros
calibres militaires », par ailleurs toujours largement utilisés
en 300m en raison de leur précision. Lorsque vous reprendrez le
chemin des stands dans cette dernière discipline, comme vous avez
annoncé le désirer, n’oubliez pas que vous vous rendrez complice
d’un véritable méfait en utilisant un calibre « non
olympique ».
Des dizaines de disciplines ne sont pas olympiques. Elles n’en sont
pas moins respectables et respectées et sont aussi encadrées. Quant
à la détention d’armes, est-il encore besoin de rappeler que la
réglementation est très stricte. Encore faut-il qu’elle soit
appliquée correctement par l’administration. Dans le cas de Richard
Durn, tout le monde sait désormais qu’outre les menaces avec arme
qu’il avait proférées, il n’avait pas renouvelé son autorisation
depuis presque deux ans. Il était donc dans la plus totale
illégalité et …rien ne s’est passé. Avant de pondre un nouveau
texte, il serait peut être intéressant de se pencher sur le
fonctionnement de services publics sensés assurer notre protection à
tous. Dans tous les cas, on comprend mal pourquoi il faudrait faire
peser sur tous les tireurs une responsabilité collective pour
couvrir les fautes (pardon, les « dysfonctionnements ») de
l’administration.
Il y a là effectivement de vrais questions politiques, qui doivent
être traitées de façon sérieuse et non en rédigeant un énième décret
pour « montrer que l’on fait quelque chose ». Il y a là de
vrais deuils, qui doivent être l’occasion d’un recueillement profond
et non pas d’une exploitation politicienne ou personnelle aussi
inefficace qu’indigne.
Monsieur Amat, bien à vous.
Eric Grauffel
Champion
du Monde
www.ericgrauffel.co
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