Le Prélèvement maximal autorisé

Il faut prendre garde de ne pas confondre une application trop extensive du plan de chasse et le prélèvement maximal autorisé. Il s’agit de deux notions qui s’appliquent à des espèces animales dont le cycle biologique n’est pas comparable et qui ont des bases juridiques différentes.

Il y a de l’abus, concernant les taxes attachées aux bracelets de chevreuils, qui font moins de dégâts aux cultures qu’aux forêts.

La première loi sur le plan de chasse du 30 juillet 1963 vise à créer un nécessaire équilibre agro-sylvo­cynégétique. Seuls le cerf, le chevreuil, le daim, le chamois, l’isard, le bouquetin et le mou­flon sont mentionnés dans ce texte. L’arrêté d’application du 15 mars 1965 parle de normes, c’est-à-dire du nombre optimum de têtes de grand gibier susceptibles d’exister (ou de co­exister) dans la situation d’équi­libre voulue par le législateur. Le plan de chasse fut d’abord facultatif, puis étendu à l’en­semble du territoire en 1979. Dans le même temps, les taxes attachées au plan de chasse furent destinées à assurer une indemnisation convenable aux exploi­tants agricoles dont les cultures ont subi des dégâts importants du fait de ces animaux. C’est une indemnisation administrative. On se souvient que cette assurance donnée par les chasseurs aux agri­culteurs résulte de l’abandon du droit d’affût par ces derniers.

Comme il n’est nulle part ques­tion d’indemniser les dégâts aux plantations forestières, la loi “forêt” de 2001 implique davantage les propriétaires forestiers, par leur plan simple de gestion, dans la gestion des grands animaux; un équilibre sylvo-cynégétique har­monieux permet la régénération des peuplements forestiers dans des conditions économiques satisfaisantes pour le propriétaire. Tout cela démontre que le plan de chasse concerne la gestion des espèces certes, mais aussi l’indemnisation des dommages aux cultures et la prévention des dégâts aux plantations par les grands animaux.

Il est clair également que le plan de chasse, bientôt triennal, ne peut valablement s’appliquer qu’à des animaux ayant un cycle biologique et un développement étalés sur plusieurs années et dont la gestion n’est quasiment pas dépendante des aléas cli­matiques et environnementaux annuels.

Or, depuis plusieurs années, et à l’instigation des chasseurs, des plans de chasse au petit gibier ont été établis dans les dé­partements. Perdrix et lièvres ne causent guère de dégâts si cela advenait, c’est la loi du 24 juillet 1937 qu’il faut invoquer, même si elle concerne particulièrement les dégâts de lapins, pour obtenir une in­demnisation judiciaire.

La biologie et le développement du petit gibier sont assez courts et variables d’une année sur l’autre pour se satisfaire de me­sures de protection annuelles. Les premiers prélèvements maxi­mum autorisés (PMA) sont ap­parus pour la bécasse en 1984, à l’initiative des chasseurs (La RNC de novembre 1999). Les chasseurs de gibier d’eau en parlent aussi depuis longtemps. C’est une mesure d’éthique, de bon sens, responsable et libre­ment consentie. Maintenant la loi “chasse” l’a institutionnalisée; même facultative, elle risque de devenir dirigée, illimitée dans le temps et coercitive. En effet, les agents de développement que les fédérations vont engager ont pour mission de contrôler la bonne exécution des schémas départementaux de gestion cynégétiques dont les PMA font partie.

Toute confusion doit être écartée entre plan de chasse au grand gibier et PMA du petit gibier.

Le décret du 25 janvier 2002 relatif au prélèvement maximal autorisé fait lui-même cette distinction importante. Il stipule que les dispositions concernant le PMA ne sont pas applicables aux espèces pour lesquelles un plan de chasse est de droit.

Publié en urgence avant les ex­ceptions permettant la chasse des pigeons et des bécasses dans des conditions très restrictives au début de février, le décret a ren­contré maintes difficultés d’ap­plication. Cela a obligé les chas­seurs à faire le déplacement au siège de leur fédération pour y retirer un carnet de prélèvement, que le président doit remplir lui-même pour en reporter le nu­méro sur le document annuel de validation du permis de chasser; il doit en même temps tenir un registre des carnets délivrés avec nom, prénom, adresse et n° du permis du postulant.

Les fédérations ont travaillé dans l’urgence, de façon quand même satisfaisante, malgré les difficultés, d’autant plus que beaucoup de chasseurs se sont procuré un carnet par acquit de conscience sans être certains de pouvoir en avoir l’usage.

Si on oublie de renvoyer son carnet, utilisé ou non, après le 15 mars, on en est privé pour la campagne suivante.

Ne pas faire l’amalgame entre plan de chasse et PMA

Un autre inconvénient de parler confusément de plan de chasse au petit gibier plutôt que de PMA, tient au fait que tout demandeur de plan de chasse est réputé adhérent à la fédé­ration ; or, cela doit intervenir lorsqu’il s’agit seulement de PMA. D’évidence, l’adhésion obligatoire des demandeurs de plan de chasse à la fédération trouverait là une application abusive si elle était étendue aux espèces non prévues dans le décret fixant la liste des espèces soumises à plan de chasse.

Certaines fédérations seraient tentées d’étendre, par cette adhésion obligatoire, à la fois la mainmise sur une certaine liberté à laisser aux chasseurs et la collecte de taxes pour le fonds d’indemnisation des dégâts aux cultures, ce qui n’a pas lieu d’être pour le petit gibier; c’est d’ailleurs déjà un peu le cas pour les taxes atta­chées aux bracelets de che­vreuils, lesquels endommagent davantage les plantations fores­tières que les cultures agricoles. La distinction doit rester claire entre la gestion des animaux dont les dommages font l’objet d’une indemnisation par voie administrative et ceux qui res­tent soumis à indemnisation par voie judiciaire. Les premiers font l’objet d’un plan de chasse triennal, les seconds d’un PMA annuel modulable suivant les circonstances.

Une incitation à regrouper les petits territoires

Cela n’empêche nullement d’in­citer, par de telles mesures de précaution et de gestion au regroupement des petits territoires. Le plan de chasse du sanglier reste facultatif. Pour cette espèce, il est difficile de prévoir son taux de reproduction et sa répartition ­territoriale. Le plan de chasse trien­nal est plus hasardeux a mettre en place, bien que le plan ce chasse annuel ait donné de bons résultats dans les départements qui l’ont instauré. En fait, les dé­partements à plan de chasse au sanglier y voient un bon moyen d’abonder le compte d’indemni­sation des dégâts aux cultures. Avec le recul, la saison cynégé­tique 2002-2003 devrait voir la définition des PMA et les modalités de délivrance des car­nets de prélèvement se dérouler sous de meilleures conditions que durant la précipitation à laquelle les chasseurs viennent d’assister en février dernier. Il est probable que la possible ouverture anticipée du 10 août sera accompagnée d’un PMA instauré pour certaines espèces de gibier d’eau.

En fin de compte, les chasseurs sont placés devant une situation nouvelle, évolutive, qui devrait rester ouverte au dialogue; il leur reste à balancer au mieux entre une chasse administrée, de plus en plus contraignante, plus responsable certes, mais qui ne doit pas effacer leurs fa­cultés d’initiatives et la part de liberté individuelle qu’ils sont encore en droit d’attendre.

Christophe Lorgnier du Mesnil