La Chasse du lapin aux courants
Le lapin de
garenne, et ce n’est pas le moindre de ses intérêts, peut se chasser de
différentes manières. Au cours des dernières décennies, le déclin généralisé
des populations a toutefois entraîné la disparition de certaines pratiques
comme la recherche au gîte, l’affût et le furetage.
Reste la chasse
avec des chiens courants, à courre et bien sur à tir, la, plus populaire,
sportive et conviviale à souhait, à laquelle s’adonnent avec un plaisir
gourmand des générations de ruraux.
C'est un gibier qui laisse assez peu d’odeurs. Sa voie est futile et fugace.
Pour un lapin combien d'heures passées à courir avec les chiens, à
encourager leur quête et répondre à leurs cris.
Imaginez
un petit matin sous le soleil. Deux ou trois amis. Une petite meute grouillante
de beagles ou de bassets qui s'affairent le long de talus recouverts d'épais
ronciers. Voilà la vraie chasse au lapin, toute simple, à la billebaude. Un
vrai bonheur ponctué de musiques, de déboulés, d'éclairs roux dans les
fougères. Peu de chasses offrent autant d'attraits. Lorsque les colonies sont
encore importantes, on voit beaucoup d'animaux. On en tire beaucoup, on en
manque aussi. Le lapin, c'est magique. Il fait fumer les fusils, crier les
chiens et bondir les cœurs.
Il
y a une trentaine d'années, le garenne abondait encore dans de nombreuses
régions, sur des territoires qui se prêtaient parfaitement à sa chasse avec des
chiens courants. Depuis, il faut bien le dire, le remembrement et la déprise
agricole ont changé bien des choses. Les lapins souffrent de la dégradation de
leurs milieux de prédilection, mais encore ils y sont moins agréables à
chasser. Bien des abris ont été détruits: haies, talus, taillis, petites
landes. Ailleurs, ou sur des terrains voisins, le déclin de l'agriculture
traditionnelle a livré la campagne aux friches, vite désertées par le gibier
faute d'entretien. Ces modifications de paysages sont lourdes de conséquences.
Les lapins sont moins abondants. ils sont aussi moins disséminés. Ils se
regroupent là où ils trouvent encore des règles, sur des secteurs où va
s'exercer l'essentiel de la pression cynégétique. Dans certaines régions comme
en Bretagne, nombre de bons territoires ont ainsi disparu à la suite de travaux
agricoles. Là où il reste du lapin, celui-ci vit davantage en terre et s'y
réfugie plus rapidement en l'absence de couverts. Il faut notamment tenir
compte de l'extension de la culture du maïs qui règne souvent en maître sur de vastes
superficies. Les parcelles de plusieurs dizaines d'hectares ne sont pas rares.
Même avec une meute bien créancée, la chasse y est souvent impossible. Après la
récolte, la campagne se transforme en un véritable désert. Les lapins occupent
les derniers talus et se terrent sitôt lancés.
Mais
restons optimistes! Tant que les populations se maintiendront à un niveau
correct, le garenne offrira encore de belles journées. D'ailleurs, jamais
encore les petits chiens courants n'ont connu un tel succès. Le chasseur est
devenu sage. Il privilégie la manière au résultat. Ce n'est plus le tableau qui
compte, mais l'harmonie et le comportement de la meute. Beagles et bassets de
toutes provinces sont en bonne place dans les équipages. D'authentiques
spécialistes qui donnent à la chasse ses lettres de noblesse et qui en
multiplient les agréments.
"Le
lapin est l'un des gibiers qui se prêtent le mieux au travail des chiens
courants. On peut les suivre pas à pas, les encourager, apprécier leurs
qualités. C'est une chasse où l'on ne s'ennuie jamais. Avec de bons lanceurs,
il y a souvent un animal sur pied. Et lorsque les lapins sont moins nombreux,
rien n'oblige à les tirer tout de
suite. Bien, au contraire, cela permet d'améliorer les chiens et de mieux
observer le gibier. S'il ne ruse pas comme peut le faire un lièvre ou un
renard, le lapin défend chèrement sa peau en jouant sur sa petite taille et la
légèreté de son sentiment. Quand les conditions sont difficiles, il faut
vraiment de très bons chiens pour le chasser et revenir avec quelques pièces
dans la gibecière".
Le
lapin de garenne est irremplaçable. Il permet à l'amateur de sortir ses
courants durant plus de quatre mois, de l'ouverture générale jusqu'à la
fermeture de l'espèce. A la différence d'autres gibiers comme le lièvre ou le
chevreuil, on peut le chasser souvent, en toute liberté, sans véritable
contraintes ni restrictions. On n'en comprend que mieux la passion des amateurs
qui n'hésitent pas à investir dans des meutes souvent importantes, comptant
jusqu'à 10 sujets ou davantage. Mais à l'opposé, autre avantage, un ou deux
chiens bien mis peuvent aussi apporter de belles satisfactions. L'utilisation
de courants fait tout le charme et le sel de la chasse au lapin. Toutes les
stratégies sont permises. Sur des territoires bien peuplés, certains amateurs
découplent de concert un grand nombre de chiens, de manière à multiplier les
menées et les occasions de tir. D'autres, plus rigoureux, privilégient un
esprit "chasse à courre". Leur credo: ne poursuivre qu'un seul animal
à la fois, avec des sujets parfaitement ameutés et qui rallient aussitôt les
premiers récris. D'autres encore ne tirent jamais au lancer. Ils se délectent
de la menée et donnent toutes ses chances au garenne. Mais surtout ne jamais
croire que c'est une chasse facile. Amusante, amicale, toute pleine de
rebondissements, elle n'en suppose pas moins un véritable savoir faire qui ne
s'acquiert qu'à l'issue de longues années de pratique. Expérience pour former
les chiens, les conduire. Pour comprendre le gibier, il faut anticiper ses
ruses. Sur le même territoire, un chasseur rentrera désespérément bredouille,
tandis qu'un autre mettra toujours quelques animaux au carnier.
Suivons
un vieux chasseur de lapin. il prend tout son temps, soulève quelques ronces du
bout des canons, s'arrête, observe. Ses chiens le précèdent, calmement. Pas de
précipitation ni de cris inutiles. Chaque enceinte est patiemment prospectée.
Ne l'oublions pas. Le lapin peut se cacher partout, sous une touffe d'herbe, un
tas de fagots ou de cailloux, au creux d'une souche ou même sur un mur. Pour
l'amateur averti, il y a des indices qui ne trompent pas. Un peu de poil sur
des ronces, quelques crottes, des grattis, des tiges ou des feuilles
sectionnées... Un oeil sur les chiens, un autre qui explore le terrain. Tout un art!
La
chasse avec des chiens courants est particulièrement plaisante en début de
saison. A l'ouverture, les lapins sont forcément plus nombreux et souvent inexpérimentés.
Majoritaires, les jeunes de l'année n'ont pas encore le réflexe de la fuite
directe au terrier.
Gîtés
à plus ou moins grande distance de la garenne principale, ils se laissent mener
par la meute et quittent plus facilement l'abri des buissons pour débouler à
découvert. Les journées calmes et ensoleillées sont les plus propices. Le lapin
est en effet très sensible aux conditions climatiques. Par beau temps, il vit
davantage à l'air libre. Vent, pluie, températures extrêmes l'incitent à rester
en terre. Toutefois, un temps humide n'est pas forcément défavorable. La voie
est souvent meilleure. De plus, s'il a plu durant la nuit, le lapin ne regagne
pas ou moins vite son terrier tant qu'il est mouillé. En hiver, par temps froid
mais sec, les lapins se gîtent au lever du jour dans un endroit bien exposé aux
rayons du soleil levant. Ou bien, ils regagnent le terrier pour en ressortir en
milieu de matinée lorsqu'il fait plus chaud. Autre bon créneau horaire: la fin
d'après-midi. Vers 15-16 h, de nombreux animaux sortent des garennes pour
s'alimenter.
La
qualité de la voie est un autre élément déterminant dans la réussite des
chasses. Le sentiment du lapin est plutôt léger et fugace. C'est gibier qui
laisse assez peu d'odeurs, d'autant plus qu'il préfère les sols secs aux
milieux humides. La voie est plus ou moins bonne selon la température, la
direction des vents, la nature du terrain et de la végétation. Elle peut
changer en cours de journée, disparaître puis revenir. En règle générale, les
chiens à lapin sont réputés pour la finesse de leur odorat. Mais seuls les
meilleurs sont capables de mener longuement leur animal de chasse en relevant
tous les défauts avec une précision quasi chirurgicale.
Car
le garenne sait y faire pour se débarrasser de ses poursuivants et emmêler sa
voie dans d'inextricables allées et venues. Cantonné à un petit territoire, il
possède l'avantage de le connaître sur le bout des pattes. Tantôt, il ajuste sa
fuite à la progression des chiens, tantôt, il se cale ou se tape sous un
obstacle pour les laisser passer. Il peut aussi déboucher loin devant, prendre
un grand parti, venir sur un terrier et ne pas y pénétrer, doubler sa voie,
sortir dans le dos du chasseur, se jeter à l'eau pour traverser une petite
rivière ou bien la franchir en empruntant un arbre couché. Petit, il possède
l'avantage de passer presque partout et de se faufiler là où les chiens ont
toutes les peines du monde à progresser. C'est pourquoi d'ailleurs de nombreux
chasseurs sélectionnent des courants de petite taille, les plus aptes à
travailler dans des milieux de fourrés épineux comme les landes basses d'ajonc.
Une
autre difficulté de la chasse réside dans le caractère furtif du lapin-
Particulièrement discret s'il en est, il se déplace sans faire de bruit ni
trahir sa présence. Seul parfois un très léger trottinement sur les feuilles
mortes peut attirer l'attention du chasseur expérimenté. La connaissance des
postes et des passages du gibier est au moins aussi importante qu'au sanglier!
En se plaçant à proximité des terriers, on s'offre des chances supplémentaires
d'ajuster l'animal, mais attention il est vite passé!
Au
lapin, les chiens courants ont le plus beau rôle. Indispensables à la réussite
de l'action, ils lui donnent aussi de l'éclat et cette musique sans laquelle la
chasse serait bien fade. Un chien qui ne crie pas n'a pas sa place dans une
meute digne de ce nom. Il est inutile à la collectivité et n'apporte aucun
plaisir à son propriétaire. Car rien n'est plus grisant qu'une belle menée sous
les taillis de ronces et d'aubépines, quand les courants donnent à pleine gorge
derrière leur animal. Voilà par excellence l'image de la chasse au lapin. Une
chasse dont on peut imaginer toutes les péripéties rien qu'à écouter les
chiens, à l'intonation des voix, au rythme des récris. Le conducteur averti
reconnaît chaque chien à sa gorge, et suit le déroulement de l'action du
rapprocher jusqu'à la prise. Ainsi, il intervient pour aider ses auxiliaires,
les fait rallier ou les coupe, par exemple lorsqu'ils ont empaumé la voie d'un
lapereau qui les fait enrager sur quelques dizaines de mètres carrés en se
glissant dans de minuscules coulées.
On
n'en comprend que mieux qu'il faut de l'espace et un milieu approprié pour bien
chasser le garenne et se régaler de la musique des courants. Si le territoire
ne comporte que quelques buissons, autant utiliser d'autres chiens leveurs
comme des spaniels ou même, pourquoi pas, un épagneul breton. Dans la voie du
lapin, les rapprochers sont généralement brefs. Le chien courant s'exprime et
se met en valeur durant la menée qui doit être bien enlevée pour réjouir les
oreilles. Avec des chiens rapides tout en restant appliqués, le spectacle est
assuré. Poussé par la meute qui lui souffle au poil, le garenne longe les
haies, saute les talus, passe d'une enceinte à une autre. Perdu, retrouvé,
tiré, manqué parfois. Mais qu'importe! Au lapin, le bonheur est toujours dans
le pré.
Source : RNC
André Le Gall
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