RÉGULATION

 Bientôt un contraceptif pour sanglier ?

MALGRÉ UNE PRESSION DE CHASSE ACCRUE, les populations de sangliers ne cessent de croître. Le point de rupture a même été atteint dans beaucoup de départements. La contraception pourrait être une solution. Jean Crousillat docteur en biologie humaine et membre de la commission départementale de L'ONCFS du Var, y croit. Le débat est ouvert.

Soixante-dix-sept sangliers au tableau! C'est le résultat d'une matinée de battue début décembre en Moselle, en territoire libre. "Il y en avait encore des quantités", précise l'un des participants.

Outre le problème de l'écoulement de la venaison, les chasseurs ne prennent plus grand plaisir à participer à des tels abattages. Et pourtant les consignes sont claires. Dans le département du Bas-Rhin que l'on ne peut pas soupçonner de laxisme en matière de protection de gibier, la Fédération a donné comme directive de tirer tous les sangliers sauf la laie meneuse. En Bourgogne et en Champagne-Ardenne, des tableaux impressionnants sont également signalés. En Meuse, on frôle les 1,4 M € (9 M F) de dégâts. Dans le Var on ne compte plus les collisions avec les véhicules. Plus de 18 000 sangliers y sont abattus annuellement et les dégâts aux particuliers non indemnisés (terrains de golf, jardins publics et privés dévastés) sont en constante augmentation et dépassent les 450000 € (3 MF). Dans les départements du Rhin et de la Moselle soumis à la loi chasse locale, la surtaxe à l'hectare boisé va encore augmenter pour atteindre 5,33 € (35 F) dans le Bas-Rhin. Du jamais vu! Une situation qui va mettre en péril le budget de bien des sociétés de chasse. La dissuasion (agrainage, dans les massifs forestiers, clôtures électriques) y a montré ses limites tout autant que le tir "d'été" pratiqué à l'affût et à l'approche dès le 15 avril.

Dans d'autres départements, depuis le transfert de l'obligation d'indemniser les dégâts aux fédérations par la nouvelle loi Chasse, certaines d'entre elles ne pourront plus faire autrement - leurs réserves arrivant à épuisement - que de faire payer les chasseurs par le biais des bracelets ou de systèmes dits "à points".

Cages-pièges comme en Australie ou Hawaï

Devant une situation aussi alarmante, jean Crousillat propose deux techniques qui ne porteraient pas atteinte à la pérennité de l'espèce, mais permettrait de réduire le cheptel à un niveau acceptable. Et éviterait que "certains extrémistes, irrités de voir d'année en année leurs récoltes détruites, envisagent une éradication et évoquent l'utilisation de poisons". Comme dans les années cinquante avec la myxomatose, inoculée sciemment avec les ravages que l'on sait.

Le scientifique propose en premier lieu "l'usage de cages-pièges qui existent en France et qui ont été utilisées avec succès en Australie, Nouvelle-Zélande et à Hawaï". 'Des publications en font foi'', précise le biologiste "mais" - ajoute-t-il Il en France on est devant la situation paradoxale où le sanglier est considéré comme nuisible mais son piégeage interdit. "

Sa seconde proposition porte sur la contraception du sanglier. sujet plus délicat et qui. suscite dés polémiques. Il ne s'agit pas de stérilisations définitives, mais simplement d'empêcher l'ovulation "une mesure qui ne présente aucun danger pour l'espèce", plaide le biologiste. "Une mesure qui serait modulable dans le temps et suivant les régions", précise-t-il encore. Mais jean Crousillat reconnaît qu'à l'heure actuelle, il n'existe pas de contraceptif sélectif et s'il était déposé en sa forme actuelle, mélangé à de la nourriture dans les territoires de chasse, il aurait également des effets sur d'autres espèces... Y compris sur les animaux domestiques. Ce dernier affirme que s'il existait une véritable volonté de mettre au point un contraceptif spécifique au sanglier, les chercheurs, avec les moyens financiers nécessaires, ne mettraient pas plus d'un an à le trouver. Dans ce cas, le produit pourrait être "distribué" soit aux places de nourrissage, soit administré aux laies capturées dans les cages-pièges.

Le scientifique déplore, par ailleurs, les lâchers clandestins mais aussi "ceux autorisés par L'ONCFS de 1980 à nos jours", en connaissant pourtant le taux d'accroissement phénoménal de l'espèce. Selon les sources de L'ONCFS, le nombre des sangliers est passé dans le Var de 2300, en 1990, à plus de 40000 en l'an 2000. Dernière suggestion, le lâcher de lynx en tant que prédateur du sanglier. Un point sur lequel il est difficile de le suivre si l'on sait que ce n'est pas l'un ou l'autre marcassin que prélèverait le félin qui ferait chuter sensiblement les effectifs.

"Un procédé antinaturel"

Pour A. J. Hettier de Boislambert, président d'honneur de l'Association nationale des chasseurs de grand gibier, "la contraception du sanglier est à proscrire en tant que procédé antinaturel et y voit "une manoeuvre pour tenter de discréditer le rôle de régulateur de populations sauvages que revendique à juste titre le chasseur" Selon lui, il y a encore bien des régions en France où le sanglier est en dessous de sa capacité d'accueil et est persuadé que le chasseur saura réguler l'espèce à condition que 'l'administration lui en donne les moyens (généralisation des tirs d'été, octroi de journées de chasse supplémentaires)."

Vers une pression de chasse renforcée?

La réaction des représentants des chasseurs a été unanime pour condamner la contraception. "L'homme n'a pas le droit d'intervenir dans le cycle biologique des animaux", s'insurge Bernard Pfister, président de la commission grand gibier à la FDC du Bas-Rhin. "Les chasseurs ont montré qu'ils étaient capables d'appliquer les injonctions qui leur ont été adressées. Soit d'assouplir, voire de supprimer les consignes de tir, les prélèvements étant passés de 14 000 en 2000-2001 à 20 000, en 2001-2002. Un tel prélèvement est certainement supérieur à celui qu'auraient effectué les prédateurs naturels du sanglier. Plutôt que la contraception, l'administration doit donner aux chasseurs les moyens de renforcer encore la pression de chasse en levant, notamment, les interdictions de commercialiser la venaison dans le secteur où la peste porcine ne représente plus un danger et, également, en période de fermeture".

Le président de la commission croit, par ailleurs, à une autorégulation de l'espèce, notamment par l'arrivée d'une épidémie. On peut aisément imaginer qu'une grande majorité de chasseurs préfère gérer la population par la chasse...

Charles Richter  "La revue nationale de la chasse"